Cet examen par les pairs analyse la performance et la cohérence du système de coopération au développement du Luxembourg au regard de ses objectifs. Il souligne les résultats positifs et les difficultés rencontrées et formule des recommandations. Des représentants des Pays-Bas et de l’Estonie ont préparé ce rapport avec le soutien du Secrétariat de l’OCDE.
La réduction de la pauvreté est au cœur de la coopération luxembourgeoise grâce à un fort engagement d'APD. La stratégie générale de la coopération luxembourgeoise, En route pour 2030, accorde une priorité particulière aux pays les moins avancés (PMA). Elle met l’accent sur les plus vulnérables et affirme en même temps l’engagement du pays dans les contextes fragiles et de crise. Ainsi, le Luxembourg a renforcé son soutien en Ukraine dans les domaines de la sécurité, de l’aide humanitaire et de la coopération au développement. Ces deux derniers domaines sont des piliers centraux de la politique étrangère du Luxembourg, et son objectif de consacrer 1 % du revenu national brut du pays à l’aide publique au développement (APD) recueille un ferme soutien politique et public. Cependant, ce soutien ne doit pas être considéré comme acquis, il souligne plutôt l’importance d’investir sans discontinuer dans la sensibilisation et l’éducation au développement. Le financement climatique et les coûts d’accueil de réfugiés sont exclus de l’APD. Cette comptabilisation séparée, qui a fait l’objet d’un vote au parlement pour la durée de la législature jusqu’en 2028, garantit la prévisibilité de la coopération luxembourgeoise et constitue un bon exemple pour d’autres membres du CAD.
Un contrôle de durabilité permet d’évaluer les lois, mais la responsabilité et les débats sur la cohérence des politiques restent limités. En matière de cohérence des politiques, le Luxembourg a franchi une étape importante en introduisant en 2023 un contrôle de durabilité (« Nohaltegkeetscheck ») pour évaluer le degré de contribution de nouveaux projets de loi au développement durable. Cependant, la responsabilité en matière de cohérence des politiques reste floue et les enjeux sont peu débattus au sein des comités interministériels. En établissant une responsabilité claire dans l'arbitrage de toute incohérence politique, responsabilité qui doit tenir compte du rôle des organes interministériels existants, et en s'appuyant sur sa société civile active et son riche tissu social et économique, le Luxembourg pourrait davantage mettre en lumière les potentielles incohérences politiques qui ont un impact sur les pays en développement, y compris celles qui sont liées au secteur financier.
À titre de partenaire fiable, le Luxembourg pourrait exercer une plus grande influence grâce à une meilleure coordination entre les différentes parties prenantes et les ministères. Reconnu pour sa fiabilité, le Luxembourg se distingue par des financements souples, prévisibles et pluriannuels ainsi que par un dialogue continu particulièrement appréciés des ONG et des partenaires multilatéraux. Il devrait, cependant, s’attacher à mieux rassembler tous les acteurs et canaux de financement et de programmation autour de la table, à l’instar de ce qu’il fait déjà dans les domaines du climat, de l'énergie et de la finance durable. Une coordination pangouvernementale renforcée entre les ministères des Affaires étrangères (MAE), des Finances et de l’Environnement, par exemple, permettrait d’adopter une approche plus homogène auprès des instances multilatérales, y compris dans les pays partenaires. En outre, la participation systématique de Lux-Development (LuxDev) aux discussions que mènent les ambassades sur la future programmation multilatérale dans les pays partenaires favoriserait la création de synergies plus fortes entre la programmation bilatérale et multilatérale du Luxembourg et les efforts de réforme auprès des partenaires.
La coopération bilatérale du Luxembourg repose sur des partenariats de longue durée, qui mettent l’accent sur les plus vulnérables. Les quatre programmes indicatifs de coopération (PIC) pluriannuels en cours, ancrés dans des partenariats à long terme avec des pays sélectionnés, encouragent la continuité des actions et assurent un impact durable. Le Luxembourg a également été l’un des premiers pays à promouvoir le lien (« nexus ») entre genre, environnement et climat dans ses objectifs stratégiques et il a réussi à le traduire par des mesures concrètes dans les pays partenaires, où il cible les plus vulnérables. Alors que le Luxembourg explore la possibilité d'étendre sa coopération à de nouveaux pays et secteurs, il pourrait s’appuyer davantage sur les PIC pour définir son engagement à moyen et long terme, ce qui comprend des approches adaptées pour mobiliser le secteur privé en fonction du contexte local, ainsi qu’une analyse des risques permettant de bien choisir les modalités de coopération, qu'il s'agisse d'aide déléguée, d'appui budgétaire sectoriel ou de mise en œuvre directe. Il serait également judicieux que le pays entame une réflexion approfondie sur la manière de faire évoluer le soutien de LuxDev (même si les experts techniques intégrés dans les ministères et agences des gouvernements partenaires sont très appréciés), de façon à renforcer les capacités nationales, parallèlement à la préparation d’un éventuel retrait.
Le Luxembourg devrait réfléchir à la manière dont LuxDev pourrait diversifier sa base de financement indépendamment des fonds publics luxembourgeois, alors qu’il cherche à atteindre une plus grande efficacité et à protéger ses atouts. LuxDev sert les intérêts des pays les plus pauvres et attire et retient des experts de haut niveau. Le pays ne disposant pas d’une institution financière de développement, une évaluation de LuxDev en fonction du Pilier 6 de l’Union européenne lui permettrait de gérer de nouveaux instruments financiers qui pourraient faire évoluer son portefeuille d’interventions ainsi que la carte géographique de ses activités. Si cette diversification présente des ouvertures, elle engendrerait également des coûts d’opportunité, et nécessiterait des réformes institutionnelles pour renforcer son efficacité opérationnelle ainsi qu’un renouvellement de l'expertise interne pour soutenir l’évolution stratégique de son mandat.
Le Luxembourg cherche à maximiser l'impact de sa coopération tout en améliorant l'efficacité de ses évaluations. Les nouvelles stratégies de pays partenaires s'appuient sur une théorie du changement et un cadre commun de résultats, et LuxDev s'efforce de mesurer « l’évaluabilité » des programmes en partenariat avec des instituts de recherche et des bureaux nationaux de statistiques dans les pays partenaires. Étant donné que chaque projet et programme fait l'objet d'une évaluation systématique, le Luxembourg pourrait réfléchir à un meilleur équilibre entre le nombre d'évaluations qu’il effectue et ses objectifs d’apprentissage. Pour ce faire, LuxDev a révisé sa stratégie de gestion des connaissances en 2024 pour s'adapter à la complexité croissante des projets et programmes de coopération. Le pays pourrait également tirer parti d’une plus grande implication des experts et centres de recherche situés dans les pays partenaires et renforcer leur capacité d’évaluation.
Le Luxembourg gagnerait à avoir une vision globale et pangouvernementale de l’engagement du secteur privé, qui reflète ses ambitions croissantes, sans pour autant relâcher ses efforts de soutien au développement local. Le Luxembourg accorde une priorité claire au développement du secteur privé local dans ses pays partenaires, en favorisant des partenariats responsables et éthiques. Son leadership en matière de finance durable, notamment grâce aux obligations vertes, sociales et durables, représente un atout majeur. Le Luxembourg devrait continuer à promouvoir des partenariats stratégiques visant à mobiliser des ressources supplémentaires, y compris avec son propre secteur privé national, dans des domaines d’expertise. Cependant, il ne faudrait pas que les objectifs économiques, tels que la recherche d’une plus grande mobilisation du secteur privé, éclipsent l’engagement du Luxembourg envers les groupes les plus vulnérables.
En raison de la décision politique de suspendre les opérations au Burkina Faso, au Mali et au Niger, le Luxembourg se doit maintenant de réorienter 30 % de ses engagements bilatéraux, actuellement alloués au Sahel central, et d'en sortir de manière responsable. L’expérience du Luxembourg au Sahel démontre sa capacité à adapter ses mécanismes de coopération. Bien que le gouvernement ait pris la décision de suspendre ses programmes dans certains pays de cette région, il a œuvré pour ajuster ses priorités et gérer les partenariats existants. Le Luxembourg devrait veiller à mettre en place des mécanismes permettant de tirer des enseignements des retraits des partenaires de développement et promouvoir une communication transparente, des calendriers clairs et des plans de transition pragmatiques.
Il faudrait systématiser une approche globale de la fragilité dans l’ensemble du portefeuille bilatéral. Face au besoin de réorienter son programme bilatéral, le Luxembourg explore de nouvelles collaborations avec des pays comme le Bénin, le Togo et le Rwanda, où les perspectives de partenariat sont prometteuses. Pour toute expansion de son engagement bilatéral, le Luxembourg devrait revoir l’ensemble de son portefeuille sous l’angle de la fragilité, afin d'anticiper et de mieux répondre à l'évolution des contextes et de s’aligner sur le principe du partenariat à long terme et sur des modalités et partenaires divers, ce qui inclut la société civile locale.