Cet examen par les pairs analyse la performance et la cohérence du système de coopération pour le développement de la Finlande au regard de ses objectifs. Il souligne les résultats positifs et les difficultés rencontrées et formule des recommandations. Il a été élaboré avec le concours d’examinateurs de l’Autriche et de la Tchéquie, et avec le soutien du Secrétariat de l’OCDE. Un représentant de l’organisation de la société civile Fingo, qui regroupe les ONG finlandaises d’aide au développement, étaitobservateur de l’examen.
Au cours de la période examinée, la Finlande a accompli d’importants progrès en vue d’améliorer l’efficacité et l’efficience de sa coopération pour le développement. Suite à l’examen par les pairs de 2017, le ministère des Affaires étrangères (MAE) finlandais a investi dans le renforcement de ses systèmes, notamment dans les outils de mesure des résultats et de gestion des connaissances, dans le but d’accroître son impact. La mise en œuvre d’une approche plus stratégique à l’égard des partenariats multilatéraux associée à une ambition politique claire de réduction de la pauvreté et des inégalités a également contribué à la solide réputation de partenaire du développement durable que s’est forgée la Finlande ces dernières années.
Le système finlandais de coopération pour le développement repose sur des bases solides mais traverse actuellement une période de mutations, plusieurs changements majeurs se produisant simultanément. Le contexte extérieur et sécuritaire de la Finlande a radicalement changé avec l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en 2022. Les derniers rapports sur la politique étrangère et de sécurité, ainsi que sur le commerce international et la coopération pour le développement, publiés respectivement en juin et juillet 2024, intègrent des changements majeurs d’orientation, notamment la réaffectation des ressources en faveur de l’Ukraine et l’utilisation plus explicite des ressources de la coopération pour le développement pour soutenir l’internationalisation des entreprises finlandaises. Une réduction significative du budget de l’aide publique au développement (APD) de la Finlande – d’environ 25 % – sera appliquée sur la période 2024‑27 et la réforme en cours du service extérieur se traduit par une réaffectation des ressources et des responsabilités au sein du MAE. Un examen complet du cadre législatif relatif à la coopération pour le développement est également prévu pour 2024‑26. Le contexte de cet examen est ainsi caractérisé par des changements de grande envergure dont les implications font de cette période un moment aussi fondamental que complexe pour le système.
La nouvelle baisse du budget d’APD de la Finlande compromet son engagement à soutenir ceux qui en ont le plus besoin. L’engagement et le leadership de la Finlande pour atteindre les plus démunis ont été les caractéristiques de sa politique de développement et de sa politique étrangère. L’APD est une ressource limitée qui présente des avantages comparatifs uniques par rapport à d’autres sources de financement du développement, car elle est à but non lucratif et contracyclique. Les coupes prévues dans le budget de l’APD pour 2024‑27 concernent les lignes budgétaires bilatérales et multilatérales, ainsi que l’aide humanitaire. Alors que la Finlande cherche à tirer le meilleur parti de ressources d’APD en baisse, il sera important de cibler l’APD là où elle est la plus nécessaire, principalement dans les contextes les plus pauvres et les plus fragiles. Remettre le pays sur la voie d’atteindre son engagement international de consacrer 0.7 % de son revenu national brut (RNB) à l’APD et revenir à l’objectif fixé par les Nations Unies concernant l’APD destinée aux pays les moins avancés (PMA) permettra en outre de concrétiser l’ambition de la Finlande de préserver sa réputation en tant que partenaire fiable et attaché à des valeurs.
L’implication d’un plus grand nombre d’acteurs dans la coopération finlandaise pour le développement est un signal prometteur, sous réserve qu’elle soit guidée par les principes du développement durable et efficace, et soutenue par des compétences et des ressources. Les politiques menées par la Finlande reconnaissent depuis longtemps l’impact de divers acteurs et domaines de l’action publique sur les perspectives des pays en développement. En témoigne l’importance accordée à la cohérence des politiques au service du développement durable et à la conduite responsable des entreprises dans le cadre des efforts déployés par le pays pour mettre en œuvre l’Agenda 2030 ces dernières années. Le secteur privé finlandais s’est également forgé une solide réputation en matière de droits de la personne et d’intégration des Objectifs de développement durable (ODD). Les nouvelles politique étrangère et de développement rendues publiques en 2024 réaffirment le rôle catalyseur déterminant des ressources de l’APD et soulignent la nécessité d’impliquer un plus large éventail d’acteurs dans les opérations de coopération internationale. Mais, pour que cette participation soit efficace, il sera essentiel de mettre davantage l’accent sur le développement durable, en s’appuyant sur un MAE doté de ressources adéquates, d’une solide expertise en matière de développement et d’un leadership politique fort, promouvant activement le développement durable au sein de l’administration et de la société. En outre, pour concrétiser son ambition d’utiliser l’APD comme catalyseur afin de combler les déficits de financement du développement, la Finlande devra mettre encore plus l’accent sur les partenariats, de manière à mobiliser les montants nécessaires et à réorienter les ressources mondiales au-delà de ce que permet le seul secteur privé finlandais.
Avec la réduction du nombre de programmes-pays bilatéraux et la diminution des ressources humaines et financières, le MAE devra gérer le risque de fragmentation. La coopération pour le développement finlandaise tourne la page de la programmation bilatérale par pays, en commençant par mettre un terme à quatre des neuf programmes-pays existants d’ici à 2025. Au cours de la période examinée, les programmes bilatéraux ont pourtant permis de renforcer la cohérence, la coordination et l’attention accordée à l’impact dans l’engagement bilatéral de la Finlande et dans ses programmes multi-bilatéraux avec ONU-Femmes et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Alors que le nombre de parties prenantes impliquées dans la coopération pour le développement finlandaise devrait augmenter, la diminution du nombre de programmes bilatéraux risque de rendre l’action dans les pays partenaires plus ponctuelle et fragmentée. La présence moindre du MAE sur le terrain autour des questions de développement, la diminution des effectifs dans les ambassades et la réduction du temps consacré par les agents à la politique sectorielle à Helsinki sont d’autres sujets importants à prendre en compte. Ces évolutions limitent par exemple les possibilités de la Finlande de participer à des projets de coopération déléguée par l’UE et de soutenir les priorités d’action de la stratégie « Global Gateway ». Afin de gérer le risque de fragmentation, il sera essentiel de maintenir l’expertise et les connaissances en matière de développement au sein du MAE et de l’ensemble du dispositif d’aide au développement, mais également d’utiliser les outils existants, tels que les stratégies-pays intégrées accessibles au public qui s’appuient sur une analyse solide du contexte et des parties prenantes.
En restant cohérente avec ses valeurs fondamentales, la Finlande pourra conserver son statut de partenaire fiable et de leader sur certaines thématiques clés. Le rapport de juin 2024 sur la politique étrangère et de sécurité énonce l’intention du pays de « tirer parti de sa réputation de partenaire fiable et performant, et de pionnier dans les domaines du développement technologique, de l’éducation et des droits des femmes et des filles ». L’approche fondée sur les droits de la personne et l’égalité des genres sont deux domaines sur lesquels la Finlande est parvenue à avoir une influence et un impact mondial au cours de la période examinée, grâce à l’alignement efficace et cohérent de son engagement sur ces valeurs. Sa bonne réputation, dans ces domaines et dans d’autres, est également liée aux compétences et à l’expertise de ses agents publics, qui ont permis à la Finlande d’instaurer la confiance, de susciter le dialogue et d’exercer un pouvoir fédérateur au sein du système multilatéral bien supérieur à la taille de son économie. Continuer à investir dans ces capacités fondamentales au sein du MAE et à aligner ses partenariats et son engagement sur ces valeurs sera essentiel afin de préserver la bonne réputation du pays ainsi que son efficacité à influencer et à façonner les processus multilatéraux.
Les solides systèmes de gestion des résultats et des risques mis au point par le MAE sont un atout pour la Finlande à l’heure où elle réoriente ses ressources et ses politiques en direction de l’Ukraine. Depuis le dernier examen par les pairs consacré à la Finlande, le MAE a beaucoup investi dans le renforcement des systèmes de gestion des résultats et des risques. Une gestion axée sur les résultats rigoureuse – comprenant une fonction d’évaluation efficace et indépendante – a favorisé la redevabilité et la communication, et elle fournit aujourd’hui une base solide pour une prise de décision fondée sur des données probantes. Alors que la Finlande réduit et réoriente son APD, le maintien de ces mécanismes sera essentiel pour éclairer ses choix, notamment celui de mettre davantage l’accent sur les partenariats avec le secteur privé, et pour que son attention continue d’être portée sur l’additionnalité en matière de développement. L’intégration renforcée des objectifs de la politique étrangère et l’accent mis sur le travail multilatéral offrent à la Finlande des occasions de continuer à faire évoluer sa gestion axée sur les résultats. Dans le contexte de la hausse de l’APD allouée à l’Ukraine, il sera également essentiel d’adapter le mode de gestion des risques retenu par le MAE en s’appuyant sur les travaux déjà réalisés.
Une attention constante doit être portée à la transparence, aux consultations et à la sensibilisation au développement. En Finlande, le processus d’élaboration des politiques publiques repose sur une pratique bien ancrée de consultations, de participation et de mobilisation des citoyens, qui s’appuie sur une société civile très riche. La poursuite des pratiques établies de dialogue avec les experts lors de l’élaboration des politiques publiques de développement, notamment avec le Comité des politiques de développement, permettra au MAE de se préparer efficacement aux importants changements qui sont à l’œuvre, d’analyser les arbitrages à opérer et de veiller à ce que les principales parties prenantes s’approprient et mettent en œuvre les politiques. Les efforts de communication du MAE et le travail de sensibilisation aux questions de développement mené par la société civile ont contribué à ce que l’Agenda 2030 devienne un objectif largement accepté en Finlande. Alors que le contexte extérieur et sécuritaire de la Finlande évolue, il sera essentiel pour le MAE de revoir ses activités de sensibilisation au développement, notamment en partenariat avec la société civile, afin de pouvoir remplir ses missions.