Études économiques de l'OCDE : Italie 2024 (version abrégée)

Les conditions financières ont été sensiblement durcies à la suite du resserrement monétaire dans la zone euro. Les taux des prêts aux particuliers et aux entreprises ont augmenté d’environ 3 points de pourcentage depuis la mi‑2022. La croissance du crédit est devenue négative, et l’activité a fléchi sur le marché du logement. Le secteur bancaire est bien capitalisé et mieux préparé à résister aux chocs qu’il n’a pu l’être dans le passé. Toutefois, les banques et les compagnies d’assurance détiennent une proportion importante de dette souveraine, ce qui nécessite de surveiller en permanence les tensions sur les bilans que la hausse des taux d’intérêt ou le ralentissement de la croissance sont susceptibles d’entraîner.

La politique budgétaire est désormais globalement neutre. Les aides publiques en lien avec la crise de l’énergie ont été en partie supprimées et devraient disparaître, mais le Plan national pour la reprise et la résilience (PNRR) et les mesures ciblées de baisse d’impôt sur le revenu soutiennent la demande. Si les prix de l’énergie devaient à nouveau repartir fortement à la hausse, seules des mesures ciblées sur les ménages pauvres devraient être réintroduites. La dette publique étant élevée et appelée à augmenter encore si les politiques publiques restent inchangées, il va falloir assainir les finances publiques.

Selon les projections de l’OCDE, la croissance économique devrait rester atone sur la période 2023‑25. L’inflation devrait se replier progressivement, car le choc lié aux prix de l’énergie a provoqué, sur les prix, des tensions plus larges qui mettront du temps à se dissiper. Les risques de divergence à la baisse par rapport aux projections sont prédominants, et un durcissement plus important que prévu des conditions financières contribuerait à réduire encore la demande intérieure. À l’inverse, une utilisation plus rapide des fonds issus du PNRR, notamment par un recentrage du plan sur de grands projets d’investissement gérés de manière centrale, comme prévu par les autorités et avec l’aval de la Commission européenne, pourrait stimuler l’investissement.

La dette publique en proportion du PIB est parmi les plus élevées de celles de la zone OCDE. Avec les tensions budgétaires considérables qui s’annoncent, des réformes de la fiscalité et des dépenses sont nécessaires pour contribuer à placer la dette publique sur une trajectoire plus prudente.

Le ratio de la dette publique au PIB va rester orienté à la hausse si les politiques publiques restent inchangées. Les dépenses publiques engagées pour des coûts en lien avec le vieillissement démographique et le service de la dette devraient augmenter d’environ 4½ pour cent du PIB entre 2023 et 2040. De plus, l’accélération de la transition climatique et l’adaptation au changement climatique vont sans douter ajouter aux tensions sur les dépenses. Un ajustement budgétaire durable sera impératif pendant un certain nombre d’années pour placer le ratio d’endettement sur une trajectoire plus prudente, faire face aux futurs coûts et se conformer aux règles budgétaires proposées par l’UE.

Des économies dans les dépenses publiques s’imposent. Les retraites représentent une part importante du total des dépenses. À court terme, on pourrait la limiter en supprimant progressivement les dispositifs de retraite anticipée. La désindexation partielle des pensions de retraite élevées devrait être maintenue à court terme, mais remplacée à moyen terme par un impôt sur les pensions élevées sans lien avec les cotisations de retraite passées. Cette contribution de solidarité acquittée par les personnes alors à la retraite pourrait être maintenue jusqu’à ce que le revenu relatif des retraités soit davantage aligné sur la moyenne de l’OCDE. Les prochains examens de dépenses, qui visent actuellement des économies budgétaires annuelles de l’ordre de 0.2 % du PIB, doivent devenir plus ambitieux.

La réforme fiscale en cours devrait contribuer à atténuer les tensions budgétaires. Il faudrait poursuivre les efforts de lutte contre la fraude fiscale, notamment en continuant de promouvoir les paiements numériques et revenant sur l’augmentation des plafonds applicables aux transactions en espèces. Il est également possible de diminuer l’érosion de la base d’imposition, notamment en réduisant les dépenses fiscales et en limitant la multiplication des régimes spéciaux d’imposition forfaitaire. Transférer la charge fiscale du travail vers les successions et le patrimoine permettrait de rendre la structure fiscale plus propice à la croissance tout en augmentant les recettes. Il faudrait notamment actualiser le calcul de l’assiette de l’impôt sur la propriété immobilière, tout en tenant compte des effets redistributifs.

L’économie connaît un certain nombre de difficultés qui tiennent à la croissance peu élevée de la productivité, à la faiblesse du taux d’activité, en particulier chez les femmes, et au niveau relativement important de la pauvreté. Pour mener à bien la transition vers une croissance tirée par l’innovation tout en renforçant l’inclusivité, il faudra mettre en œuvre un train complet de réformes.

Les réformes en cours de la justice civile et de l’administration publique seront essentielles au renforcement de l’investissement et de la productivité. La longue durée des procès et l’excès de bureaucratie ont freiné l’investissement privé et public. Les réformes récentes visant à rationaliser les procédures juridiques et administratives, à accroître les capacités et à renforcer les incitations à la performance adressées aux juges et aux fonctionnaires devraient être pleinement mises en œuvre. Renforcer la mobilité des agents publics permettrait de réduire le phénomène de maintien prolongé à des postes offrant une marge de manœuvre excessive en matière de procédures administratives et, partant, le risque de corruption.

Les obstacles réglementaires à la concurrence qui subsistent doivent être levés, notamment dans les services professionnels. Les règles de « rémunération équitable » des services professionnels risquent d’être perçues comme des tarifs minimums, réduisant ainsi les entrées sur le marché et la concurrence par les prix. Leur champ d’application devrait être réduit. La réforme du cadre de la concurrence adoptée par le Parlement en 2022 devrait être intégralement mise en œuvre, notamment en prévoyant de soumettre à des appels d’offres les concessions arrivant à expiration.

Le taux d’activité des jeunes et des femmes est parmi les plus faibles de la zone OCDE. On pourrait améliorer les perspectives professionnelles des jeunes en développant les établissements d’enseignement supérieur technique (ITS Academy), et accroître le taux d’activité des femmes en étoffant considérablement l’enseignement préélémentaire et en continuant de renforcer les incitations au congé de paternité.

Les autorités ont supprimé le revenu de citoyenneté (reddito di cittadinanza) et mis en place un nouveau mécanisme d’aide sociale (Assegno di Inclusione, ADI) ainsi qu’un dispositif d’aide à l’emploi (Supporto per la Formazione e il Lavoro, SFL). Les incitations au travail adressées aux bénéficiaires du nouveau dispositif pourraient être améliorées par un retrait plus progressif des prestations en cas de prise d’un emploi. Ouvrir l’accès à l’allocation d’aide sociale (ADI, Assegno di Inclusione) à un taux réduit aux personnes ayant de très faibles perspectives d’emploi permettrait de faire en sorte que les fonds consacrés à la formation, qui sont limités, bénéficient de manière ciblée aux personnes employables tout en continuant d’offrir une couverture sociale aux plus vulnérables.

Renforcer le système de formation aiderait à ramener les personnes vulnérables sur le marché du travail. Le manque de compétences est un obstacle majeur à l’emploi. Le PNRR prévoit le financement d’un nouveau programme de formation continue qui devrait être complété par un contrôle de qualité rigoureux des prestataires de formations. Il s’agit notamment de mettre en place un système national de certification des prestataires de formations, et d’étendre les programmes existants qui conditionnent la rémunération des prestataires de formations à l’obtention d’un emploi durable par les personnes ayant suivi une formation.

Les autorités visent à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Grâce à la faible intensité énergétique de son économie et à l’abondance de ses ressources solaires, l’Italie est bien placée pour réussir sa transition climatique. Cependant, les pouvoirs publics doivent renforcer les mesures en place et en adopter de nouvelles pour accélérer la réduction des émissions et promouvoir l’adaptation au changement climatique.

Des progrès sensibles ont été accomplis en matière de réduction des émissions à la suite de la crise économique mondiale de 2008‑09. Le rythme de réduction des émissions a ralenti au cours de la dernière décennie avec la reprise de la croissance et l’adoption moins rapide de nouvelles mesures par les pouvoirs publics. Atteindre l’objectif intermédiaire de réduction des émissions de 55 % d’ici à 2030 (par rapport à 1990) nécessitera une accélération sensible en la matière. Inscrire dans la loi l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 et instituer un Conseil du climat indépendant chargé d’évaluer l’action publique et de formuler des conseils pourraient contribuer à renforcer la redevabilité des autorités.

L’expansion de l’électricité d’origine renouvelable reste freinée par la complexité des procédures d’autorisation, même si elles ont été récemment rationalisées. Pour libérer pleinement le potentiel des énergies renouvelables, il faudra définir les critères permettant d’identifier les zones se prêtant à l’installation de centrales à énergies renouvelables, relever le plafond de capacité permettant la mise en œuvre des procédures d’autorisation simplifiées et réaliser rapidement les investissements indispensables à l’amélioration du réseau de transport.

Développer les transports publics et réduire le nombre de véhicules très polluants permettraient d’abaisser les émissions du secteur des transports. On pourrait accélérer la décarbonation des transports en investissant dans le réseau ferroviaire, en mettant fin au traitement fiscal plus favorable du gazole par rapport à l’essence et en proposant des primes à la casse pour les véhicules anciens, indépendamment de l’achat de véhicules nouveaux. On pourrait en outre promouvoir l’utilisation des véhicules électriques en accélérant le déploiement de bornes de recharge publiques, en supprimant progressivement les subventions à l’achat de voitures thermiques et en redirigeant les aides sur les véhicules électriques d’entrée de gamme, ainsi qu’en alignant les taxes sur les ventes, les immatriculations et la possession de véhicules automobiles sur leurs niveaux d’émission.

En Italie, la modernisation du parc de bâtiments anciens est indispensable à la décarbonation. Les dispositifs économiquement peu efficients et fiscalement régressifs qui encouragent l’investissement dans la rénovation énergétique ont été réformés, mais cela risque de ne pas suffire pour inciter les ménages à faible revenu qui sont peu imposés à rénover leur logement. Les dispositifs actuels devraient être complétés par une combinaison de prêts à long terme à taux bonifié et de subventions, tandis que les aides à l’installation de chaudières à gaz devraient être peu à peu supprimées. Prendre des mesures réglementaires ou augmenter les taxes sur la location de biens à faible efficacité énergétique encouragerait les rénovations.

Approuver le Plan national d’adaptation aux changements climatiques permettrait à l’Italie de se doter d’un cadre d’adaptation cohérent. Les investissements nécessaires sont en cours, et un financement approprié sera essentiel pour atténuer durablement les risques d’inondation et de glissement de terrain.