En septembre 2023, les gouvernements militaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont formé l’Alliance des États du Sahel (AES) pour renforcer la coopération en matière de défense et d’assistance mutuelle face à la crise sécuritaire. Ces pays ont également exprimé leur intention de se retirer de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Ces évolutions surviennent dans un contexte de crise alimentaire et nutritionnelle qui affecte près de 8 millions (1) de personnes dans ces trois pays pendant la soudure juin-août 2024. Le retrait annoncé de la CEDEAO semble déjà remodeler les flux des opérations de transit des pays côtiers (Bénin, Togo, Côte d’Ivoire et Sénégal) en direction des pays de l’AES. Par exemple, en 2022, le transit en direction du Burkina Faso représentait près de 80% du volume total du transit au port de Lomé et 76% du transit au port d’Abidjan en 2021 ; tandis que les activités économiques du Mali sont principalement orientées vers le port de Dakar (92% du transit total du port en 2021). Avant la crise, plus de 80 % du volume de transit passant par Cotonou était destiné au Niger.
Malgré la levée des sanctions par la CEDEAO, le Burkina Faso et le Niger acheminent désormais leurs importations et exportations via le Togo, tandis que le Mali a renforcé ses relations avec la Guinée et a maintenu le même niveau d’échange avec le Sénégal, après une brève période de rupture.
Toutefois, le nouvel itinéraire Lomé-Niamey, passant par le Burkina Faso est particulièrement risqué, et exige des convois sous protection militaire, et de nombreux points de contrôle pour des raisons de sécurité. Cette situation allonge considérablement la durée du trajet sur des routes souvent dégradées, voire inexistantes. Le Programme Alimentaire Mondial rapporte qu’il fallait approximativement sept jours à ses convois pour transporter les produits alimentaires du port de Cotonou à Niamey, alors que le nouvel itinéraire de Lomé-Niamey via le Burkina Faso nécessite environ 30 à 45 jours. Cela engendre une augmentation de plus de 100 % des coûts logistiques par rapport au trajet pré-crise, avec des répercussions sur les prix des denrées alimentaires.
Par exemple, le prix du sac de riz importé augmenté de plus de 54% au Niger en mars 2024, comparé à juillet 2023. Cette situation aggrave l’inflation, avec des impacts négatifs sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle déjà précaire dans le pays.
1 : Analyses du Cadre harmonisé, Concertation régionale de Mars 2024