L'Observateur de l'action climatique est la principale publication du Programme international d’action sur le climat (IPAC). S’appuyant sur le Tableau de bord IPAC d’indicateurs liés au climat, il fournit un aperçu de l’action climatique mondiale et des progrès vers les objectifs de zéro émission nette pour 51 pays de l’OCDE et pays partenaires de l’OCDE. L'édition de cette année présente une évaluation complète des objectifs de zéro émission nette, des principaux aléas liés au climat et des principales tendances de l'action climatique. Destinées aux décideurs politiques et aux praticiens, les résultats suggèrent que les engagements actuels en matière d'émissions de gaz à effet de serre pour 2030 ne sont pas suffisamment ambitieux pour atteindre les objectifs de température de l'Accord de Paris, et que sans une expansion significative de l'action climatique nationale, les pays ne seront pas en mesure de relever le défi du zéro net.
L'Observateur de l'action climatique 2024
Résumé
Synthèse
Les aléas et les catastrophes climatiques se multiplient, entraînant partout des effets dévastateurs sur les collectivités
Copier le lien de Les aléas et les catastrophes climatiques se multiplient, entraînant partout des effets dévastateurs sur les collectivitésL’année 2024 est en passe d’établir de nouveaux records en matière de réchauffement planétaire, avec des niveaux de température nationaux sans précédent. Pour le douzième mois consécutif, la température moyenne mondiale a dépassé de 1.5 °C ses niveaux de l’ère préindustrielle. En août 2024, 15 records nationaux de chaleur ont été battus dans le monde. La hausse des températures, conjuguée à des régimes de précipitations de plus en plus variables, a eu des effets dramatiques un peu partout. Par exemple, l’Afrique australe a enregistré son mois de février le plus sec depuis un siècle, tandis que le Royaume-Uni a connu sa deuxième période la plus humide de ces 200 dernières années. La République populaire de Chine a dû faire face à un nombre record d’inondations importantes et enregistré son mois de juillet le plus chaud depuis 1961. Les inondations en Europe centrale ont été exceptionnelles, un événement dont l’ampleur des dégâts est telle ne se produisant que tous les 300 ans. Les incendies de forêt survenus au Canada en 2024 ont été dévastateurs. Ces événements météorologiques extrêmes ont détruit des vies et des moyens de subsistance, entraînant des pertes économiques et des préjudices qui restent encore à évaluer dans leur entièreté.
Les données de suivi des aléas climatiques de l’OCDE confirment la progression de ces événements dramatiques. Plus de 42 % de la population des 50 pays plus l’UE couverts par l’IPAC a connu au moins deux semaines de températures extrêmes en 2023. Dans 21 pays, la population exposée aux nuits tropicales sur 2019-23 s’est accrue de 10 % par rapport à la période 1981-2010. Les températures enregistrées en 2024 viennent souligner un peu plus encore cette tendance, qui non seulement a des répercussions directes, mais qui peut également intensifier les aléas tels que les ouragans, les vagues de chaleur, les sécheresses ou encore les précipitations extrêmes, phénomènes susceptibles à leur tour d’affecter les populations, les écosystèmes et les infrastructures vulnérables. L’évolution des phénomènes de chaleur et de précipitations touche de manière disproportionnée les pays vulnérables, où les conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes sont d’autant plus fortes, ce qui renforce les inégalités sociales et économiques.
Les sécheresses agricoles et les précipitations extrêmes s’intensifient. Les données de l’OCDE montrent que l’humidité moyenne des sols a continué de reculer dans la plupart des pays au cours de la période 2019-2023. Ces sécheresses peuvent être particulièrement sévères à l’échelle infranationale et à certaines saisons, entraînant de graves conséquences socio-économiques. Cette situation est aggravée par la modification des régimes de précipitations. Plus de 18 % de la population des pays couverts par l’IPAC est exposée au risque d’inondation fluviale. Ce risque peut atteindre 40 % dans certains pays. De même, plus de 2.6 % de la population de ces pays est exposée au risque d’inondation côtière.
Si les points de basculement climatique sont atteints, le risque est de bouleverser le climat à l’échelle mondiale en créant un état d’urgence planétaire. Certains points de basculement, notamment les seuils de désintégration des calottes glaciaires et d’affaiblissement des courants océaniques, seraient déjà en voie d’être franchis, et le risque d’en atteindre d’autres s’accroît considérablement à 1.5 °C de réchauffement, avec potentiellement à la clé des effets catastrophiques sur le climat. L’eau de fonte des calottes glaciaires, par exemple, contribue au ralentissement des courants océaniques, phénomène qui, à son tour, perturbe d’autres écosystèmes, ce qui témoigne de l’interconnexion de ces bouleversements environnementaux majeurs. Une action immédiate visant à limiter le réchauffement planétaire à 1.5 °C est essentielle pour éviter le déclenchement d’une série de points de basculement en cascade qui conduirait à un état d’urgence planétaire.
Les engagements en faveur de la réduction des émissions de GES ne sont pas compatibles avec l’objectif de température énoncé dans l’Accord de Paris. Il faut redoubler d’ambition et d’efforts pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050
Copier le lien de Les engagements en faveur de la réduction des émissions de GES ne sont pas compatibles avec l’objectif de température énoncé dans l’Accord de Paris. Il faut redoubler d’ambition et d’efforts pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050L’Accord de Paris a joué un rôle crucial dans le renforcement de l’action climatique, mais un important déficit d’ambition subsiste. En date d’août 2024, 195 parties avaient communiqué leurs contributions déterminées au niveau national (CDN). Cependant, les objectifs de réduction des émissions inscrits dans les CDN actuelles ne suffiront pas à atteindre l’objectif de température énoncé dans l’Accord de Paris. Même si les CDN actuelles (en tenant compte des cibles inconditionnelles) sont pleinement mises en œuvre, les émissions de gaz à effet de serre (GES) devraient s’élever à 55 gigatonnes d’équivalent carbone (Gt éq. CO2) en 2030. Un déficit d’ambition d’environ 22 Gt éq. CO2 ressort donc pour limiter le réchauffement planétaire à 1.5 °C, cible estimée compatible avec des émissions mondiales de GES de 33 Gt éq. CO2.
En outre, les objectifs actuels de neutralité carbone ne sont pas suffisamment ambitieux. En date d’août 2024, 110 parties, couvrant 88 % des émissions mondiales de GES, avaient pris l’engagement de ramener leurs émissions nettes à zéro. Toutefois, même si tous ces objectifs sont atteints, on estime que les émissions totales s’élèveront à 21 Gt éq. CO2 en 2050, soit bien plus que les 8 Gt éq. CO2 estimés nécessaires pour limiter le réchauffement de la planète à 1.5 °C. En outre, le fait que ces objectifs ne soient pas juridiquement contraignants dans la plupart des pays fait courir le risque que les engagements pris ne soient pas pleinement tenus. Seuls 27 pays et l’Union européenne, représentant 16 % des émissions mondiales de GES, ont inscrit leur objectif de neutralité carbone dans leur législation.
Les émissions mondiales ont continué d’augmenter en 2023. Les émissions mondiales de GES (comprenant l’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et la foresterie) ont augmenté de 1.3 % entre 2022 et 2023. Par conséquent, les émissions mondiales actuelles doivent baisser de 43 % d’ici 2030 si l’on entend atteindre l’objectif de 1.5 ºC de réchauffement maximal, et de 27 % si l’on veut respecter l’objectif de température de 2 ºC.
Les pays devant sous peu soumettre leurs prochaines CDN à l’horizon 2035, ainsi que leurs rapports biennaux de transparence, il est crucial qu’ils réagissent à la fois à l’écart d’ambition et à l’écart de mise en pratique des mesures. Les CDN mises à jour devraient être compatibles avec l’objectif maximal de 1.5 ºC, en fixant des objectifs pour les économies dans leur ensemble ; par ailleurs, il sera essentiel de fixer des objectifs de réduction à long terme des émissions de GES juridiquement contraignants si l’on entend respecter les objectifs de l’Accord de Paris.
Les progrès dans l’action climatique déployée au niveau national restent insuffisants. La mise en pratique des mesures doit être renforcée.
Copier le lien de Les progrès dans l’action climatique déployée au niveau national restent insuffisants. La mise en pratique des mesures doit être renforcée.La croissance de 2 % de l’action publique en matière de lutte contre le changement climatique en 2023 ressort insuffisante pour permettre aux pays d’atteindre leurs CDN nationales, traduisant l’existence d’un déficit de mise en œuvre. Le Cadre de mesure des actions et politiques climatiques (CMAPC) mesure l’action publique face au changement climatique à la fois en termes de densité d’action (c’est-à-dire le nombre de mesures mises en place dans un pays) et en termes de rigueur (la capacité des mesures climatiques à inciter à atténuer les émissions de GES ou à permettre cette atténuation). Il s’agit d’une base de données sur l’action publique visant à atténuer le changement climatique, cette base de données reposant sur une typologie structurée des mesures qui suit sur une base annuelle un ensemble commun d’actions avec des attributs de mesures harmonisés. Ce cadre couvre tous les pays de l’OCDE et pays partenaires, à l’exception des États‑Unis. Ces dix dernières années, l’action publique face au changement climatique a connu une expansion de 10 % par an en moyenne dans les pays couverts par le CMAPC. Néanmoins, cette expansion n’a été que de 1 % et 2 % en 2022 et 2023, respectivement. Le CMAPC ne mesure certes pas directement l’efficacité des mesures, mais il constitue un indicateur des efforts réalisés en matière d’action climatique. Au vu de la lenteur de l’expansion de l’action publique face au changement climatique, le risque est que les pays n’atteignent pas les objectifs inscrits dans leurs CDN. De fait, des conclusions récentes du PNUE confirment que l’action publique actuelle face au changement climatique n’est pas suffisante pour que les pays respectent les objectifs de réduction des émissions prévus dans leurs CDN.
Les faibles progrès dans l’action mise en œuvre s’expliquent par l’hétérogénéité des trajectoires d’évolution suivies à l’échelle des différents secteurs et des différents types d’instruments d’action. Modeste, la croissance de l’action a été essentiellement portée par le renforcement des mesures existantes, les pays ayant adopté peu de nouvelles mesures, ce qui souligne l’importance que revêtent les efforts des pays pour accroître la rigueur des mesures. L’action publique face au changement climatique mise en œuvre au moyen d’instruments non fondés sur le marché s’est intensifiée à la faveur d’un renforcement des réglementations applicables, notamment des normes minimales de performance énergétique. Les actions sur les objectifs, la gouvernance, la fourniture de données climatiques et la coopération internationale, après la forte croissance enregistrée consécutivement à l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, ressortent en légère progression. En revanche, l’action mise en œuvre au moyen d’instruments fondés sur le marché s’est contractée, principalement sous l’effet d’un recul des aides aux énergies renouvelables.
L’écart entre les pays de l’OCDE et les pays partenaires en matière d’action publique face au changement climatique déployée au niveau national a continué de se creuser en 2023. Alors que l’action publique de lutte contre le changement climatique a progressé à la fois dans les pays de l’OCDE et les pays partenaires, l’écart entre les deux groupes en termes de densité et de niveau de rigueur des mesures s’est creusé de 2 %. Les disparités dans l’action publique face au changement climatique, en particulier en ce qui concerne son degré de rigueur, affectent la compétitivité et peuvent entraîner des délocalisations d’émissions de carbone, ce qui souligne la nécessité d’une coopération internationale accrue sur l’action publique face au changement climatique.
Il n’existe pas d’approche unique pour l’action publique ni de recette unique pour une action efficace. La panoplie de mesures en place est le résultat d’interactions complexes entre l’action climatique passée, les ambitions climatiques, les profils d’émissions et les technologies disponibles, ainsi que les conditions culturelles, sociales, politiques et institutionnelles dans chaque pays.
L’écart entre les pays de l’OCDE et les pays partenaires en matière d’action publique face au changement climatique s’explique principalement par une différence de densité et non de rigueur des mesures. Les pays de l’OCDE s’appuient généralement sur une panoplie de mesures plus complexe pour réduire leurs émissions et ont redoublé de rigueur. Le niveau de rigueur des mesures ressort moindre dans les pays partenaires, bien que certains d’entre eux fassent jeu égal en la matière avec les pays de l’OCDE. Les données du CMAPC montrent que certains préfèrent adopter des mesures relativement peu nombreuses, mais rigoureuses, tandis que d’autres font le choix de nombreuses mesures relativement peu exigeantes.
L’action climatique dans plusieurs politiques sectorielles s’est accélérée en 2023. Ce phénomène est porté par la hausse de l’action publique dans les secteurs des transports, de la construction et industriel. En revanche, l’action publique face au changement climatique dans le secteur de l’électricité a reculé, principalement en raison d’une diminution des mises aux enchères d’énergies renouvelables. Celle-ci s’est accompagnée d’une hausse des émissions imputables à la production d’électricité.
L’action publique face au changement climatique n’est pas correctement alignée sur les profils d’émissions sectoriels. Une analyse descriptive du CMAPC indique que l’action publique face au changement climatique pourrait ne pas être bien alignée pour tous les secteurs émetteurs. Par exemple, bien que le transport représente la plus grande part des émissions imputables aux énergies dans les pays de l’OCDE, l’action climatique dans ce domaine arrive en avant-dernière position. Dans le même ordre d’idées, dans les pays partenaires, c’est dans le secteur de l’électricité que l’action climatique est la plus faible, alors même qu’il représente la plus grande part des émissions. Bien sûr, il faut tenir compte d’autres éléments tels que l’efficacité, l’équité et les coûts, cependant ces résultats, bien qu’indicatifs, suggèrent des moyens pour rendre l’action climatique plus efficace en faisant davantage correspondre les politiques climatiques et les sources d’émissions.
Pour faire face aux aléas climatiques, les pays sont de plus en plus nombreux à se doter de stratégies nationales d’adaptation. Le nombre de pays qui soumettent des plans nationaux d’adaptation (PAN) et des communications nationales relatives l’adaptation à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) progresse de manière significative. Toutefois, il n’est pas encore certain que ces plans soient soutenus par des mesures concrètes et des cadres de suivi solides. Des efforts supplémentaires s’imposent pour assurer un suivi systématique des mesures d’adaptation, de manière à soutenir l’engagement des parties prenantes, à promouvoir l’apprentissage par les pairs et à accroître l’efficacité des initiatives d’adaptation.
Orientations pour l’avenir
Copier le lien de Orientations pour l’avenirAvancer sur la voie de la neutralité carbone nécessite des objectifs d’atténuation ambitieux, une mise en œuvre efficace et une prise en compte éclairée du paysage de l’action climatique. Il est crucial que l’action climatique se montre inclusive et tienne compte de ses impacts socio-économiques, tout en restant ambitieuse et efficace. Les pays doivent adapter leurs dispositifs pour garantir une transition juste et faire que les ménages et communautés vulnérables ne soient pas touchés de manière disproportionnée. Comprendre l’incidence profonde de ces tendances est essentiel pour élaborer des mesures efficaces.
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29 novembre 2024