Lorsque l’on pense à la recherche scientifique, on imagine souvent des scientifiques professionnels travaillant dans des laboratoires, entourés d’équipements sophistiqués et de données complexes. Mais la science n’est pas le domaine exclusif d’experts hautement qualifiés. En réalité, les origines de la découverte scientifique sont profondément enracinées dans la curiosité et les observations de personnes ordinaires – ce que nous appelons aujourd’hui la science citoyenne, également désignée ici sous le terme de science participative.
La science citoyenne existe depuis des siècles
La recherche scientifique menée par des citoyens n’est pas un phénomène nouveau. Dès l’an 801, des habitants de Kyoto suivaient la floraison des cerisiers – une pratique qui perdure aujourd’hui pour surveiller les changements environnementaux. En Europe, du XVIe au XIXe siècle, les avancées scientifiques reposaient largement sur des amateurs éclairés. Ces « scientifiques citoyens » poursuivaient le savoir par passion, et non par profession.
Cependant, au XIXe siècle, la professionnalisation de la science a marginalisé le public, créant un fossé entre les experts et les citoyens. Dans les années 1970, l’engagement citoyen dans la recherche connaît un renouveau, porté par des mouvements sociaux prônant une science plus inclusive et responsable. Le terme « science citoyenne » s’est popularisé dans les années 1990, grâce à des figures comme Alan Irwin et Rick Bonney.
Aujourd’hui, la science citoyenne connaît une croissance rapide dans toutes les disciplines, de la surveillance environnementale à la santé publique. Elle est également de plus en plus reconnue comme un pilier de la science ouverte. Néanmoins, elle ne représente encore qu’une infime partie de la recherche scientifique globale. Son plein potentiel reste à exploiter.
Pourquoi la science citoyenne est-elle importante pour les décideurs politiques ?
La science citoyenne contribue activement à la production de connaissances à l’échelle locale, nationale et internationale. Qu’il s’agisse de surveiller la qualité de l’air, de cartographier la biodiversité ou de participer à la recherche médicale, les citoyens aident à collecter et analyser des données, à formuler des questions de recherche et à produire un impact concret.
- Accroître la découverte scientifique : Les scientifiques citoyens collectent et traitent des données à une échelle que les professionnels seuls ne peuvent atteindre. Ils surveillent la biodiversité, la qualité de l’air et la pollution de l’eau, alimentant des bases de données cruciales pour les politiques environnementales. Tout comme les cerisiers de Kyoto étaient suivis, les citoyens contribuent aujourd’hui à la santé de notre planète.
Répondre aux besoins sociétaux : L’implication du public garantit que la recherche est alignée sur les priorités des communautés. Par exemple, lors de la pandémie de COVID-19, les citoyens ont fourni des données qui ont aidé à suivre la propagation du virus et à façonner les politiques de santé publique. Ce sont eux qui ont contribué à la reconnaissance du « Covid long ».
Favoriser la démocratisation, la légitimité et l’adoption des preuves scientifiques dans les politiques : La participation citoyenne ouvre et démocratise les processus de recherche. Lorsqu’elle est menée avec transparence et inclusivité, elle peut renforcer la légitimité de la science, des politiques et des autorités scientifiques, et la confiance du public envers elles.
Comment les décideurs politiques peuvent-ils soutenir la science citoyenne ?
Pour intégrer pleinement la science citoyenne dans les politiques de recherche, il faut plus que de la bonne volonté : un soutien systémique est nécessaire. Les décideurs politiques, y compris dans les ministères et les agences de financement, doivent reconnaître officiellement la valeur de la science citoyenne et l’intégrer dans les stratégies de science, technologie et innovation (STI).
Un engagement de haut niveau est essentiel. Il faut créer un environnement favorable, avec des investissements appropriés dans les infrastructures de données, la formation, et un financement durable. La coopération est également un élément clé : les initiatives efficaces combinent un soutien institutionnel (politiques nationales) et l’énergie des communautés locales et de la société civile.
Les réseaux et associations de science participative peuvent jouer un rôle d’intermédiaire en rassemblant les différents acteurs. La collaboration internationale est aussi cruciale : pour relever des défis mondiaux – comme le changement climatique ou les pandémies – il est essentiel de partager les données, les outils et les connaissances au-delà des frontières.
Relever les défis de la science citoyenne
La science citoyenne n’est toutefois pas sans défis. La qualité des données, les biais de recherche et les questions éthiques doivent être pris au sérieux. Cela implique la mise en place de systèmes de validation, de normes de données rigoureuses et de cadres éthiques inclusifs.
Un changement culturel dans la communauté scientifique est également nécessaire. Les institutions académiques doivent reconnaître la science participative comme une approche de recherche légitime et précieuse. Cela passe par la création de parcours professionnels et de systèmes de reconnaissance pour les chercheurs travaillant avec le public.
En matière d’évaluation de l’impact, les indicateurs traditionnels (comme les citations) ne suffisent pas. Il faut développer de meilleurs outils pour évaluer les retombées – en particulier celles qui bénéficient directement aux communautés et aux participants, même si les effets ne se manifestent qu’à long terme.
Quelle est la prochaine étape pour la science citoyenne ?
Un nouveau rapport de l’OCDE présente dix recommandations clés, soutenues par un cadre stratégique complet et des options politiques concrètes, pour aider les gouvernements et les financeurs à intégrer la science citoyenne dans leurs politiques de recherche.
L’adoption de ce cadre par les décideurs publics pourrait permettre de générer les connaissances scientifiques et les solutions nécessaires pour atteindre des objectifs critiques, tels que les Objectifs de développement durable (ODD) et la transition vers des sociétés plus résilientes.